Olga Voscanelli

Pour en savoir plus sur l’auteur et son œuvre. Les éditions Sans Crispation proposent de réinventer le questionnaire proustien !

Sans Crispation : Comment vous tenez-vous informé : par le biais de la télé, des réseaux sociaux, en écoutant la radio ou en lisant le journal ?

Olga Voscanelli : Je suis en porosité totale avec tous les supports, jusqu’aux plus indignes, les pubs, les mèmes… Tout a quelque chose à révéler. Le nœud d’un livre surgira d’on ne sait jamais où : une phrase sur France Culture pour être chic, une parole en l’air à la caisse d’un Lidl, une boutade d’apéritif en mai (L’Ulysse) ou la synthèse d’un même phénomène à travers sa diffraction médiatique.

Imaginez ce que votre auteur préféré écrirait sur votre œuvre ?

C’est que Marcel prendrait bien plus de deux pages s’il avait quoi que ce soit à en dire, mais, heureusement, nous sommes si antipodaux qu’il n’en tournerait pas même une.

Un endroit et un moment préférés pour écrire ?

Écrire devient avec le temps si difficile et si instinctif que je me faufile dans tous les interstices du temps et de l’espace disponibles. J’écris au clavier face au fleuve, mais écrire c’est surtout les centaines de relectures, partout où un écran peut me suivre. J’écris aussi énormément sans y paraître, quoi que je fasse d’autre, comme une infiltrée dans l’existence, que je jette ou que je perde ensuite, ou pas.

Dans quelle mesure, “L’Ulysse”, c’est vous (ou pas) ? 

Voilà des années que mes voix de romans et leur auteur changent de nom et d’identité, et qu’un des fonds de mon travail est cette question du soi à construire (à vivre ?), plus en écriture qu’en acte à la réflexion, et surtout non réductible à un genre, à un vocable ou à une personnalité figée, contre la névrose classificatrice de notre temps. Alors, je suis tous ces noms et ceux à venir (L’Ulysse posant tout de même un beau marqueur).

Un personnage que vous détestez en littérature ? 

Tous, surtout ceux dont on peut causer avec la mièvrerie convenue dans les émissions critiques, comme s’ils existaient, car ils se contentent de ces marionnettes et oublient que leur chair est avant tout cousue de texte et qu’ils n’ont rien de comparable à nos chers voisins de palier, puisqu’ils les transcendent tous depuis leur non-être. Le texte est mon seul personnage.

Si vous étiez un personnage, un mot, une phrase de votre roman/recueil lequel seriez-vous ?

« Il y a toujours dans ce que l’on cherche une part de ce que l’on fuit. » Je ne me remets pas d’avoir écrit cela, presque en baillant…

Que dit votre ouvrage de votre monde, du monde en général ? 

Je fais prendre à mes livres la posture et la discipline que Proust m’a apprises : n’être ni juge ni dupe. Cela amène à beaucoup de frontal, d’impudeur, de justesse et de vérité, j’espère. L’Ulysse dit donc ce qu’il ne conviendrait pas de dire, comme presque tous mes textes, il vocalise les non-dits et, surtout, les impensés.

Quel a été le passage le plus difficile à écrire ? 

Le plus difficile n’est pas d’écrire mais de le décider, de lancer cette somme d’énergie colossale pour un sujet qui en vaut vraiment la peine, sans aboutir à une impasse (là, je m’en veux énormément, comme en 2022, passons). Après, une fois que l’état de conscience est atteint, tout file et on se prend comme Proust (toujours) à rêver d’un chef-d’œuvre écrit « en baillant ». Mes plus belles pages, selon moi, sont celles qui m’ont le moins coûté. Moi, j’y crois !

Si vos personnages étaient des émotions, laquelle seraient-ils ? 

Pour moi l’émotion n’est qu’un outil, seule compte la lucidité : cette pointe de lumière dans la nuit d’une vie globalement dénuée de sens. Donc, mes voix-personnages sont des consciences, pas des émotions.

Conseilleriez-vous votre livre à Emmanuel Macron, à un autre homme politique (lequel ?) ?

Bien entendu. Gouverner c’est agir, trancher, créer aussi, faire un temps son Jupiter. Rappelons que le verbe divin qui façonne le monde à partir du néant vient de l’hébreu « bara » qui signifie couper. Mais pour tailler dans le réel, encore faut-il en connaître les nerfs, les failles, le dur et le mou. Et c’est là le beau métier du livre. Alors qu’ils lisent, beaucoup, et même en séance…